La proto université
Il est temps à présent de nous intéresser de plus près aux clercs de Goliardie.
« Les goliards sont libres comme l’oiseau qui chante et le papillon qui vole… libres comme les enfants de Bohêmes…
« Aux goliards qui passent, la pipe aux dents, la rapière au poing, bourgeois ou manants, seigneurs et moines n’osent refuser l’hospitalité…
« Il y a toujours, dans les maisons à pignon comme dans les chaumières, dans les burgs comme dans les abbayes, des pots de bière et des bouteilles de vin pour les goliards ! …[i]
La Goliardie n’est pas un pays, mais un état d’esprit :
« Mais on désigne aussi, en ce temps, par le terme goliards, des étudiants, des clercs, tapageurs, turbulents, mal embouchés. On leur doit une poésie si libre et libertine que le concile de Sens, en 1223, ordonne qu’on tonde immédiatement ces clercs ribaults (ribaldi) de la famille Goliae. Le concile de Trèves, en 1227, interdit à tous ces trutannos (truands) et alios vagos scholares aut goliardos (et autres étudiants vagabonds ou « goliards ») de chanter la messe. » [ii]
Les étudiants étaient voyageurs, nous l’avons démontré. Mais si certains ne bougeaient plus de leur centre d’étude pour des raisons pécuniaires, d’autres ne tenaient pas en place.

Une célèbre peinture, datée de 1394. On y lit l’inscription suivante : « Ou apprends, ou va-t-en ! ».[iii]
Un collège de Winchester témoigne toujours de cet état d’esprit puisqu’une peinture du XIVe siècle décore toujours une salle de classe médiévale en arborant la phrase :
« Aut disce, aut discēde; manet sors tertia, caedī »
qui signifie « Apprends, va t’en, ou prends-toi des coups ».
Ainsi, parmi des approches résumées par la page du site The conversation, j’ajoute la possibilité d’une vision très goliarde : les études se suivent dans un centre d’étude (disce), ou s’approfondissent dans un autre centre plus réputé sur tel point de matière (discēde), ou s’achèvent avec les honneurs et il est temps de rentrer dans son pays d’origine. Alors, comme l’évoque le docteur Cabanès à propos de la ville de Montpellier,
Jadis, les étudiants en médecine de la Faculté de Montpellier avaient la coutume d’accueillir à coups de poings le nouveau bachelier au sortir de sa réception, comme pour le chasser de la ville et des écoles, et de lui crier joyeusement : Vade et occide Caïn, paroles au sujet desquelles ont beaucoup disserté les commentateurs ; d’après A. Germain, elles devraient être traduites ainsi : « Va chercher fortune où tu voudras, promène ta vie errante comme Caïn, où il te conviendra de le faire. » (GERMAIN, Hisl. de la commune de Montpellier, III, 93; Notice de V. BROUSSONNET sur Laurent Joubert, 4; AsTRUC, Mém. pour Thist. de la Fac. de méd. de Montpellier, 88 et
330.)
« l’action d’Abailard eut sur le mouvement intellectuel du XIII e siècle une longue et profonde influence et transforma notamment le monde des écoles; Une fois créé, le personnage de Golias, de l’episcopus Golias, comme on dit plus tard, se maintint longtemps en faveur, et la familia Goliae se composa bientôt de tous les clercs irréguliers, libres de vie et de langage, « vagants » indociles ; les goliardi, comme on les appela plus tard, avaient entre autres moyens de gagner leur vie la récitation des poésies, que composaient quelques-uns d’entre eux : ils furent au XIII e siècle les vrais jongleurs du monde clérical, suspects, condamnés, déconsidérés, parfois chassés ou excommuniés, mais souvent bien accueillis par les prélats qu’ils amusaient de leurs vers et de leurs saillies. Ce ne sont là que de rapides indications, qui demanderaient à être développées. L’essentiel est que les « goliards » sont, suivant toute vraisemblance, originaires des écoles de Paris’, que leur patron, d’ailleurs involontaire, est Abailard, et que leur nom remonte à une invective de saint Bernard contre celui-ci. »
G. PARIS.[iv]

[v] Groupe Bayard. Auteur du texte. La Croix. 1936-05-20.
Sources :
[i] Morphy, Michel (1863-1928). Faust et Marguerite / Michel Morphy. 1901. Page 1089
[ii] Académie d’Orléans. Auteur du texte. Mémoires de l’Académie d’Orléans : agriculture, sciences, belles-lettres et arts : fondée en 1809 / [dir. publ. Bernard Bonneviot]. 2010. Page 3
[iii] https://wordpress.com/read/blogs/103301044/posts/3925
[iv] Paris, Gaston (1839-1903). Auteur du texte. Annibale Gabrielli, « Su la poesia dei goliardi… » : [compte-rendu / signé G. Paris]. 1889.
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