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L’art du détournement

Le troisième jour du mois de mars 1983, disparaissait Hergé, le créateur de Tintin.

Couverture du magazine Libération du 4 mars 1983

Lors d’une interview survenue en décembre 1982, le dessinateur confiait à Benoît Peeters sa volonté de laisser mourir Tintin avec lui.

Pourtant, une entorse fut accordée par la société anonyme Moulinsart , qui gère les droits de l’auteur depuis lors. Casterman édite Tintin et l’Alph-art, qui met en scène Tintin dans le monde de l’art contemporain, dans l’état d’inachèvement où l’a laissé la disparition de son auteur.

Pendant de nombreuses années, les choses en restent là, et Moulinsart devient une machine à chercher les contrefaçons de l’ œuvre, et garde jalousement les droits en poursuivant systématiquement les contrevenants en justice.

Dessin de Chaunu en commémoration des attentats de Bruxelles le 23 mars 2016

Pourtant, des versions retouchées de Tintin et l’Alph-art ne cessent d’être publiées sous le manteau. Outre le problème étique de faire survivre Tintin contre la dernière volonté de son créateur, il convient néanmoins de comprendre que depuis 1988 dans une version de Ramo Nash, puis la version de Yves Rodier en 1991, de nombreux avatars de cet album non reconnu par les héritiers d’Hergé sont poursuivis sous le registre d’albums pirates.

Il s’agit pourtant d’une pratique courante dans le domaine de l’édition de la bande dessinée, que de transférer la production à d’autres auteurs. La société IMPS qui gère les droits d’auteur de Peyo (Benoît Brisefer, les Schtroumpfs, Johan et Pirlouit, …), n’hésite pas à employer, encore du vivant de l’auteur, ce que l’on nomme des « nègres littéraires », à savoir des personnes qui dessinent de façon anonyme en laissant quelqu’un d’autre s’approprier leur travail. Les personnages des auteurs Dupa (Cubitus), Morris (Lucky Luke), Goscinny (qui scénarisait les Astérix), Bob de Moor (Blake et Mortimer), et même du vivant des auteurs qui passent la main comme Rosinsky (Thorgal).

Le débat est complexe. Les œuvres sont originales, pour la plupart. Les auteurs ont la décence d’indiquer qu’ils se sont inspirés du travail de leurs prédécesseurs. Mais cette pratique est-elle honnête?

La galerie d’art Sakura, à Paris, vient d’annuler une exposition de l’artiste Guillaume Verda sous le prétexte que les internautes qualifient son travail de plagiat de l’artiste Basquiat. Bien sûr, la vindicte populaire l’emporte à présent sur le bon sens, mais peut-on définir le travail d’un peintre de plagiat d’une manière de peindre d’un de ses aînés?

Dans ce cas, combien de peintres de paysages sont des plagiaires?

Déjà, dans l’histoire de l’art, les peintres copiaient les tableaux d’un maître, chez celui-ci, dans un but d’apprentissage. Ils ne s’en libéraient qu’en ayant réussi à égaler le maître.

Si l’on se réfère à la définition du plagiat, donnée par le dictionnaire Larousse :

plagiat
nom masculin
(de plagiaire)

Acte de quelqu’un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu’il a pris à l’œuvre d’un autre.

Ce qui est emprunté, copié, démarqué.

Sens :
Ne pas confondre ces trois mots de sens proche.

Plagiat = action de plagier, de copier l’œuvre de qqn d’autre en la faisant passer pour sienne.
Parodie = imitation burlesque (d’une œuvre) ; caricature. Une parodie de justice.
Pastiche = imitation d’une œuvre ou du style d’un auteur, comportant souvent, mais non nécessairement, une intention burlesque. La Bruyère a écrit un amusant pastiche de Montaigne.

Donc, hormis dans une volonté de détournement burlesque, le fait de s’approprier le travail d’autrui est un plagiat. Dans le monde capitaliste, commercialiser (ou même de fournir gratuitement – ce qui entraîne un manque à gagner chez ceux qui sont en ordre avec la législation) un plagiat est du piratage.

C’est l’unique raison de poursuivre les faussaires tels que Guy Ribes, Han van Meegeren, David Stein, Yves Chaudron, ou Wolfgang Beltracchi. Ils produisent des œuvres originales, en apprenant et en appliquant le style d’un maître. En cela sont-ils condamnables? Certainement pas. Ce n’est que l’apposition d’une fausse signature et la commercialisation par tromperie qui constitue un délit. Ce qui n’est pas le cas de Guillaume Verda.

Tout comme cela ne constitue pas un délit de produire de nouvelles aventures de personnages de BD après la cessation d’activité de ses créateurs. Sinon Spirou, créé par Rob Vel, n’aurait jamais fait carrière!

Ce qui est moins légal, reste de dénaturer le travail de l’auteur, tels que les ayant-droits de Moulinsart le réalisent en colorisant les planches en noir et blanc des premiers Tintin ou en projetant de publier des histoires à peines esquissées par Hergé.

Sources :

https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-Historique-Tome-24-Tintin-et-l-Alph-Art-12425.html

https://www.naufrageur.com/a-alphart.htm

mai.fr/2015/06/tintin-les-albums-non-officiels-tintin-et-lalph-art-rodier/

https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2455751-20190220-defenseurs-basquiat-twitter-font-annuler-exposition-artiste-accuse-plagiat

https://www.france24.com/fr/20190221-art-contemporain-plagiat-inspiration-artiste-annulation-exposition-basquiat-galerie-sakura

http://plagiat.ec-lille.fr/FAQ_Plagiat.htm

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/plagiat/61301/difficulte

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