La proto université
Ce que l’on désigne par le terme de proto université correspond à la partie historique européenne s’étendant de la chute de l’Empire Romain d’occident à la promulgation de la bulle papale fondant l’université de Paris par Innocent III en 1215.[i] Il s’agit de la première mention du terme université, utilisé pour désigner l’ensemble des individus qui participent à son fonctionnement.
Sous ce
vocable, se rangent donc l’ensemble des centres d’enseignement déjà existants,
mais n’ayant pas encore reçus l’appellation d’université. Ainsi, un tel centre
créé bien avant celui de Paris, ne deviendra université que plus tardivement par
rapport à la capitale française.[ii]
C’est une période dont nous savons peu de choses, même si, au fur et à mesure
de l’ensemble des recherches, nous cernons toujours un peu plus les contours de
ce que fut l’enseignement de cette époque. Comment le savoir ne fut pas perdu,
mais enfermé dans des centres religieux, où chacun des livres ne servait qu’à
démontrer la richesse du monastère qui le possède[iii],
comment Alcuin établit le recensement de ces ouvrages et commanda de nombreuses
copies à l’usage des nouveaux centres d’étude désirés par Charlemagne.[iv]
Le savoir étant disséminé à travers l’Europe, les étudiants devaient voyager pour améliorer leurs connaissances des sujets étudiés. Les uns se rendaient à Bologne, d’autres à Salamanque, d’autres encore revenaient à Toulouse ou à Paris. Chacune des proto universités était réputée pour un domaine ou deux de connaissances. Toulouse et Montpellier étaient spécialisés en médecine, Paris en théologie et en droit, jusqu’aux petites universités tardives qui, comme Caen, furent célèbres pour l’enseignement du droit coutumier, ou Louvain pour son collège des trois langues fondé par Érasme.
Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse? Le danger à voyager seul étant grand, les étudiants d’alors se regroupaient, s’armaient, et transportaient les lettres et colis pour leurs congénères, tout en visitant les centres de la connaissance. Des témoignages de l’époque existent, souvent méconnus. Ainsi le recueil de voyage de Félix et Thomas Platter à l’université de Montpellier nous apprend les préoccupations des étudiants du XVIème siècle.[v]

Ce qui motive notre étude est d’approcher au sein de ce cadre, et au plus près, les rites occupant les étudiants. Cela devient très compliqué à définir par une étude directe, faute de sources explicites. Toutefois, lorsque l’on observe les mœurs des universitaires, nous retrouvons de-ci de-là, des occurrences factuelles entrant en correspondance avec ce qui perdure encore de nos jours : usage outrancier de boissons alcoolisées, violences des anciens envers les nouveaux, regroupements corporatifs, cortèges processionnels, jets d’oranges sur les bourgeois, banquets, pratique des arts par le détournement des mœurs et par l’usage du pamphlet. [vi] En nous appuyant sur ce que nous avons pu démontrer précédemment quant à l’origine des rites universitaires, il devient assez facile de suivre en creux la survivance des mythes agraires, et la façon souvent grivoise dont ils se manifestent.
Bacchus, Déméter, Baûbô, et avant eux Ishtar / Innana, Baal, nous ont témoigné de nombreuses pratiques encore inscrites au sein de l’Alma Mater. Puis vint le tour du professeur mythique, Pierre Abélard, qui allait marquer durablement ce qui fera la tradition étudiante alpha des universités.
Sources :
[i] Christophe Charle, Jacques Verger, Histoire des universités XIIe – XXIe siècle, Presses Universitaires de France, collection Quadrige manuels, 334 pages, 2012, ISBN 978-2-13-058813-9
[ii] Jacques Verger, Les universités au Moyen Âge, Presses Universitaires de France, collection Quadrige, 228 pages, 2013, ISBN 978-2-13-062129-4
[iii] Jacques Le Goff, Les intellectuels au Moyen Âge, Éditions du Seuil, 227 pages, ISBN 978-2-7578-3995-9
[iv] Simone Forster, L’école et ses réformes, Presses polytechniques et universitaires romandes, collection Le savoir suisse, 130 pages, 2008, ISBN 978-2-88074-804-3
[v] Félix et Thomas Platter, Félix et Thomas Platter à Montpellier 1552-1559 – 1595-1599 notes de voyage de deux étudiants Bâlois, (1552), Montpellier, chez Camille Coulet, libraire, 1842, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1020450.r=felix%20et%20thomas%20platter?rk=21459;2
[vi] Docteur Augustin Cabanès, Mœurs Intimes du Passé (quatrième série) La vie d’étudiant, Albin Michel Éditeur Paris, 1945, 484 pages, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5667540h?rk=21459;2
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