#001 Méthodologie à l’étude des rites d’agrégation des étudiants
Évoquer un sujet aussi mal perçu par les publics ne se fait pas de soi. Il faut rencontrer les auteurs, comprendre les discours à charge et à décharge, et s’appuyer sur les écrits des personnes ayant déjà traité du sujet. C’est autant un travail de lecture que d’approche directe des différentes ritualités rencontrées. C’est aussi une veille constante sur les modes dirigeant la bien-pensance qui anime la société.
Art ou sciences humaines ? Telle est la question à laquelle doit faire face l’artiste-chercheur.

Photo : Nathalie Lecornu-Baert pour Ouest-France
Afin de mieux comprendre le moteur qui anime le travail d’art, la lecture de l’ouvrage « Ce que l’art fait à la sociologie » de Nathalie Heinich [i] recommande une méthode dans laquelle les disciplines ne seraient pas superposées, mais articulées entre-elles. Cette procédure n’est donc pas tant utilisée pour valider ou invalider des jugements de réalité, mais à décrire les qualifications énoncées par les acteurs comme des jugements de valeur, ce qui ouvre au chercheur des possibilités accrues, puisque dégagées de tout orientation normative.
Ce qui se rapporte au domaine de l’art dans les propos de l’auteur, est tout autant valable dans la recherche concernant les rites d’agrégation universitaires. Ce n’est en effet pas le rôle du chercheur de poser un jugement quant au degré de réalité d’une pratique, ou de la valeur de cette réalité au sein d’un rite par rapport à un autre. Il s’agit avant tout d’entendre les motivations qui poussent les acteurs à interagir d’une façon plutôt que d’une autre.
Pour cela, ce n’est pas en cherchant dans les méandres psychanalytiques quelles peuvent être les raisons masquées de ces rites, ou en déconstruisant entièrement le propos de ses acteurs, que l’on parviendra à poser une réalité sociologique. Sans rejeter pour autant ce que ces recherches ont pu apporter, il faut toutefois accepter de prendre en compte le discours des acteurs du rite comme une réalité tout autant compatible à la compréhension. Ainsi, prendre du recul, permet de placer, nous dit Nathalie Heinich,
« en évidence des structures mentales relativement stabilisées, qui ne sont réductibles ni à des positions conjecturelles dans l’espace social, ni à des intérêts stratégiques ou à des calculs utilitaires de la part des individus. Frontières mentales, processus de « catégorisation » (au sens de Sacks), « cadres » (au sens goffmanien), « formes » (au sens de Gestalt) découpant la perception et l’orientation des objets du monde : ce sont là autant de modalités de structuration de l’expérience dont le sociologue peut observer la présence et l’efficacité dans les conduites des acteurs sans pour autant avoir à se prononcer sur leur essence, c’est-à-dire sur leur ancrage dans une universalité fondée en nature ou, à l’opposé, sur leur subordination à la relativité des contingences, des contextes, des intérêts. »
Ainsi, la question ne se pose donc pas tant à savoir
si le travail se réfère à l’art ou aux sciences humaines. L’intérêt est surtout
d’appréhender comment coexistent et interfèrent ces matières.
[i] Nathalie Heinich, Ce que l’art fait à la sociologie, Les éditions de Minuit, 1998, ISBN 978-2-7073-1654-7
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