Gaudeamus Igitur, Réjouissons-nous!

Le Musée des Rites Etudiants et du Bizutage

L’approche de la folie

#07 De l’occurrence de Dionysos à travers les rites étudiants

Le dieu de la vigne était toujours précédé d’une divinité de moindre importance, Pan. Ce dernier est un dieu joyeux et bruyant. Fils d’Hermès, il est mi-humain, mi-animal, porte des cornes sur la tête et des sabots de chèvre lui tiennent lieu de pieds. Patron des chevriers et des bergers, c’est l’approche pastorale qui prend la suite de l’agriculture. Au cœur des rites étudiants, le béjaune du moyen-âge se trouve affublé dans son parcours d’agrégation, d’une coiffe portant des cornes d’ovins ou de bovins, mais aussi d’attributs provenant de toutes sortes d’animaux : écailles, défenses, oreilles d’âne, … L’aspect bestial du nouveau est alors pris en considération, mais travaillé sous des costumes de fous. La folie comme l’ivresse permet de confronter l’humain à la divinité. L’opération pratiquée par ces ritualistes consiste d’une part à humaniser la bête en lui ôtant son animalité, et d’autre part à reconnaître en sa personne un envoyé divin qu’il faut  rendre compatible à côtoyer les hommes, ternir l’éclat divin insoutenable pour les mortels comme en témoigne le sort de Sémélé, mère de Dionysos. C’est en effet de la folie pour elle que d’avoir, sur des conseils perfides, demandé à voir la toute-puissance de son amant. Éviter les accidents liés à une méconnaissance du terrain, c’est exactement ce que recherchent les rites d’agrégation étudiants. Ces rites virent le jour au sein de la chrétienté, mais étaient dépositaires de connaissances liées aux rites de Bacchus et d’Éleusis. La genèse juive comme chrétienne évoque le « Tôhû wâ Bôhû », c’est-à-dire l’organisation du chaos par la parole de Dieu. En somme, l’inhabité ou l’inhabitable (tôhû) et le vide (bôhû) que représentent les connaissances des nouveaux universitaires est à organiser, à combler pour lui permettre de naître. Tel est le sens de la tache de béjaune que l’on devait laver. Pour laver cela, il faut la magie du rite. Le tohu-bohu au sens actuel de désordre et de confusion doit imprégner le récipiendaire afin de pouvoir être ré agencé, organisé par le verbe des aînés. C’est la genèse qui est réactualisée par la prise en main des nouveaux de façon si rude.
Béjaunage à la renaissance, imagerie polonaise. Il est possible de voir dans cette scène la réitération de Baal qui, avant de se rendre aux enfers, reprends sa forme de taureau divin pour enfanter une génisse et assurer sa descendance. Ainsi, dans le visuel même des épreuves, le but à atteindre est présent : perpétuer la corporation.
Durant le béjaunage, les aînés aussi étaient marginaux. Ils s’affublaient des vêtements colorés de la folie pour perpétuer le rite. La plupart des imageries des époques médiévales et renaissantes concernant les fous se réfère au principe même de la folie mise en scène par les étudiants lors des processions carnavalesques.
Fou se servant de l’or de l’avare pour rendre aux affligés. #charivari
Le fou est alors savant, et règne en maître tout au long de la procession, réprimandant par des charivaris les personnes coupables dédouanées par la justice. Folie et justice se montrent alors comme les deux facettes d’une même médaille, puisque c’est le royaume de la Bazoche, composé des étudiants en droit, qui règle la justice courante au sein de l’ensemble des suppôts de l’université. Ainsi, la justice était rendue d’une part par la loi, et si celle-ci profitait au vilain, elle était régulée au temps de carnaval, où les masques de la folie, portés par Dieu, s’en prenaient aux veufs remariés avec une trop jeune fille, aux filous ayant utilisé la loi pour déposséder autrui, et à la majorité des méfaits impunis. La justice divine était à l’œuvre, et permettait à chacun selon son niveau de prendre conscience qu’il n’était pas, contrairement à Bacchus, sorti de la cuisse de Jupiter. En somme c’est toujours ce rapport à l’hybris. C’est comprendre la notion que nous sommes faits à l’image de Dieu, mais ne pouvons prétendre égaler sa divinité.
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