Méthode de travail … pré scientifique
Au fil du travail, l’un des aspects qu’il me sera important de mettre en valeur à l’avenir, est lié à l’histoire même des mythes originels. Ces mythes démontrent sans équivoque que l’humour paillard, la grivoiserie, la misogynie, ne sont le plus souvent que des inversions de valeurs produites par le rituel afin d’enseigner le contraire de ce que l’on provoque.
Pour l’exemple, si l’on accepte l’idée que le mythe originel provient de Bacchus, il faut en conclure qu’il est respectueux de la féminité. Bacchus en effet, libère la femme sauvage, pour reprendre le terme de Clarissa Pinkola Estès.
Bien sûr, les cadeaux du dieu sont à double tranchant, et si la femme se laisse emporter au-delà du raisonnable, elle en vient à tuer l’homme, qu’il soit le fils (Penthée assassiné par sa propre mère) ou celui qui la charme (le démembrement d’Orphée par les ménades). Bacchus apprenant le sort d’Orphée, de chagrin transforme alors les ménades en arbres. Ne peut-on y voir aussi la menace qui court sur la féminité qui, rejetant l’homme, sera réduite à n’être perçue par lui que comme une plante ornementale?
L’inversion des valeurs dans les principes rituels étudiants est visible, notamment dans les fresques de salles de garde des médecins. Ces œuvres décriées pour une esthétique devenue soudainement choquante, n’ont plus droit de cité pour délit de machisme. Pourtant, il est démontré que les bienfaits psychologiques liés à ces périodes de marges aident les professionnels à assumer les difficultés de leur quotidien. De grands artistes se prêtèrent au jeu de ces illustrations murales à caractère paillard : Foujita,Toulouse-Lautrec, … Ils seraient à présent dénoncés pour culture patriarcale et intentions de viol. La répression remplace la bienveillance d’antan. Les néo-ménades tuent Orphée à nouveau.
Penchons-nous à présent sur les principes régissant les rites étudiants… Leur mode de vie ritualisé peut se définir selon plusieurs axes : Sexisme, Autoritarisme,Racisme (blagues), Alcoolisme, Tabagisme, Volupté, Obscénité, Sadisme, Brutalité, Austérité, Ennui, Pénibilité
Cela fait-il des rieurs de blagues racistes ou machistes des gens dont l’esprit est profondément convaincu du bienfondé de ces blagues ? La sympathie mise en place s’opère –lorsqu’elle est efficiente – en inversant ces valeurs, et cela nous apparaît sous un autre jour, plus en accord avec les principes fondamentaux des premières universités : Égalité des sexes, Accompagnement, Égalité des races et des espèces, Hédonisme contrôlé, Chasteté, Pudeur, Décence,Altruisme, Douceur, Dévouement, Tendresse, Bonté, Humour.
Ce que ces pratiques mettent en place réactualise l’idée initiale transmise par le rite,et régénère l’ensemble de la corporation de métier. Notre société contemporaine cultive depuis trente ans la récession des libertés individuelles. Ce qui était de l’ordre de la normalité à l’époque est devenu un acte répréhensible.L’histoire des rites étudiants étudiée comme marqueur-clé nous indique une volonté de museler très poussée. Soit les corporations rentrent dans le moule,soit ils sont menacés de disparition. La crainte engendrée modifie profondément les rites en les expurgeant. La violence des traditions disparaît, mais ces coutumes ne libèrent plus l’individu. La pression engendrée par les études n’est plus canalisée, et cela pousse la jeunesse à tenter de se défouler d’une autre manière.
Tout comme l’abandon de l’usage d’un officier de l’université pour diriger les deposito (nom donné aux bizutages du moyen Age et à la Renaissance), ayant laissé à l’appréciation des seuls étudiants et de leur niveau de maturité ce qui était ou non pratiqué lors des cérémonies, dont résultent tous les débordements que nous connaissons, les législations anti-bizutage sont à l’origine de la pratique du Binge Drinking, où les jeunes s’enivrent sans encadrement avant même de sortir. De plus la pratique est moins coûteuse.

En modifiant les aspects traditionnels par suppression ou augmentation, on modifie durablement le rapport de forces. De même, l’aspect militaire de plusieurs pratiques est consécutif aux suppressions des universités par la Révolution française, à leur réouverture un peu plus tard, et à leur militarisation par Napoléon. Aucun centre d’étude ne fut épargné. L’étude de Brigitte Larguèze sur les codes vestimentaires des bizutages en témoigne.
De là, nous pouvons en déduire une constante :
«Tout rite remodelé pour tenir compte des modifications sociétales se voit affaibli et dénaturé. Seule la pratique de celui-ci, réajustée au fil du temps, permettra au rite d’être optimal.»
Il faut aussi prendre en compte qu’une partie du rite permettra, par action de sympathie, de renouveler l’ensemble du rite, comme en témoigne Marcel Mauss.
Ainsi la recherche me permet à la fois de nourrir un contexte, et de proposer un nouvel angle de perception du sujet aux sciences humaines. La connaissance du sujet permet même de proposer des constantes qui pourront servir de loi sociologique le cas échéant.
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