Roman plastique et pratiques contemporaines
Il est d’usage, lorsque l’on innove en art, comme on le ferait dans les matières scientifiques, d’établir un état des lieux, sorte d’hagiographie des prédécesseurs, afin d »induire une cumulativité. Et mon parti-pris possède bien sûr des prédécesseurs.

La recherche sociologique à propos des étudiants fut aidée par l’étude concernant les étudiants et les grisettes de Paul Gavarni. Toujours dans le registre associant les sciences et l’art, comment ne pas débuter par Boris Vian et ses tableaux scientifiques classifiant la gravité des insultes, ou encore Michel de Spiegeleire qui introduit le sulfureux Alexandre Humboldt-Fonteyne, cet explorateur et scientifique, dont la collection de curiosités muséales emprunte au monde des légendes ses plus belles représentations. Cette personne étant de facto fictive, elle nous entraîne dans un registre où sciences et arts sont inextricablement mêlés.
Charles Fréger aussi, dont les photographies proposent une approche ethnologique parfois créée de toutes pièces. L’art sociologique de Fred Forest explorant les médias et bousculant les postures institutionnelles. La recherche de Wim Delvoye sur Cloaca associe un art scatologique avec une production scientifique. L’aspect muséal est également très présent, par le belge Johan van Geluwe qui proposes on « the museum of museums »,
ou chez les français, Richard Rak dont le travail visite la cartographie, et Driss Sans-Arcidet et son « musée Khombol».
Toutefois, aucun d’entre ces artistes ne propose de concept approchant le roman plastique, sorte d’art total où tout fait sens.
Ce processus d’insertion de la fiction dans la réalité est en cours de mise en forme, et n’en est qu’à ses balbutiements. Je désire le voir suffisamment réel pour provoquer le doute, mais de manière à ce qu’il ne tienne pas à un examen approfondi.À terme, c’est l’artiste qui doit l’emporter sur la science. Mais en ayant distillé suffisamment de pertinence que pour voir les scientifiques l’évoquer et s’orienter sur le même chemin. Telle est ma vision politique de l’œuvre.
Pour autant,mon approche artistique résonne aussi avec la poésie des travaux de Matthew Barney, notamment le Cremaster cycle, par la mise en place d’un univers tantôt réel, tantôt onirique, à ceci près que les contraintes de coller à une «véracité du propos » m’obligent à une certaine retenue transgressive.
Dès lors, ma créativité s’exprime sous d’autres formes, et j’ai testé en « live » leurs possibilités réalistes par la mise en place sur le terrain étudiant d’organes corporatifs répondant aux codes sociaux et à l’esprit de ces traditions, mais proposant des alternatives à la fois normatives (propositions opératives diverses) et esthétiques (formes rituelles et vestimentaires), telles la Coterie des Libres Chanteurs en 1994 à Bruxelles et la Confrérie Ubuesque Indépendante des Trouvères Éméchés en 2006 à Lille. De ces périodes, seules quelques traces subsistent. Ces expériences tenant autant de l’anthropologie que de l’art furent déterminantes dans la suite de mon travail, puisque c’est par elles que j’en suis venu à évoquer une tradition fictive par le roman plastique.

Conçu, écris, mis en page, et édité en livre d’artiste en novembre 2018 par commandant RoSWeLL.
Tirage numéroté et signé par la main de l’auteur.
Credo quia … absurdum
En rédigeant en 2018 le double ouvrage
« Credo quia » & « absurdum » j’ai présenté d’une part un essai personnel concernant les liens tissés entre l’art et les rites étudiants au fil du temps, autant dans les liens concernant les arts de la protohistoire jusqu’à nos jours, qu’avec les pratiques d’agrégations, que dans la diffusion des modes de vie passant des étudiants aux artistes, et des artistes aux étudiants. Cet aspect n’y est pourtant qu’à peine ébauché, et mériterait un approfondissement.
Dans l’essai «Credo quia », je propose une présentation exhaustive de plusieurs rites d’agrégation des étudiants universitaires européens par l’approche de leur apparence. L’aspect esthétique y est à peine survolé et déjà se profilent une foule de renseignements que l’on ne prend pratiquement jamais en compte dans les travaux préalables les concernant. Pourtant, l’esthétique de ces rites est très définie, et c’est souvent par elle, comme par « l’esprit de la tradition»que s’effectuent toutes choses dans ces sociétés. Cette esthétique révèle la perpétuation, par succession de syncrétismes, des premiers mythes (Inanna à Babylone pour la plus ancienne, Bacchus et Jésus-Christ pour les plus récentes)qui transférèrent leurs mystères de façon tronqués aux étudiants dès la proto-université d’Abélard.
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