Biographie # Intermède
Amis des traditions étudiantes, et principalement les corporations de Caen.
Je tiens à vous exprimer aujourd’hui, suite à la mise sous enquête pour suspicion de bizutage la corporation de médecine caennaise, quelques précisions. Vous ne l’ignorez pas, je suis quelqu’un qui travaille par son art aux rites étudiants.
Face aux indignations musclées concernant l’affiche dessinée de ma main pour le gala 2016-2017 de cette même corporation, j’ai pris conscience d’une chose dès la publication de cette dernière. C’est que même revêtu des meilleures intentions, on peut toujours blesser autrui, même sans en avoir conscience.
J’ignorais jusqu’au vocable « culture du viol » dont était estampillée l’affiche. Autant dire que je n’aime pas cela, car dans mon quotidien, je suis d’une nature à chercher au maximum l’égalité entre femmes et hommes, je cuisine, je fais du ménage, je m’occupe de l’éducation des enfants et fais de multiples tâches de manière à libérer du temps pour ma compagne.
C’est pourquoi je vais tenter de vous exprimer mon point de vue. Je crois que les rites étudiants (où les bizutages sont inclus) sont une bonne chose en ce qu’ils apportent un témoignage personnel de notre capacité à se dépasser (ce qui, dans le cadre de la médecine permet de moins appréhender ce qui pue, ce qui est sale, ou le contact à autrui), une ouverture d’esprit se développe, une approche des choses par la pensée critique apparaît, un réseau qui ne se réduit pas à ses seuls congénères de Faculté, et pour peu que l’on s’y investisse, c’est au niveau national, voire international que cela se joue.
Ces réseaux forment le ferment de vos relations professionnelles, et c’est un temps précieux de gagné. La somme des apports humains que ces rites permettent me laisse songeur quant aux libertés personnelles si cela devait disparaître.
Dans un même temps, les méthodes utilisées lors de ces pratiques laissent parfois à désirer faute de référentiels probants, et peuvent dériver sur des situations néfastes telles que des traumatismes, des blessures, des comas éthyliques, des accidents dont certains mortels. L’absence de surveillance reconnue laisse aussi, rarement toutefois, toute liberté de s’exprimer à certaines formes de sadisme (cf. l’affaire Paris-Dauphine).
Mon travail d’art porte, par une tradition fictive, plusieurs ferments déterminants de toutes ces traditions, ainsi que leur symbolique. Cela ne me gêne pas, par exemple, que l’on puisse porter atteinte à la chevelure d’une personne par teinture ou tonsure, cela repousse et cela s’explique institutionnellement. Ce qui me dérange, c’est que cela puisse porter préjudice. En cela, je défends la position suivante : il vaut mieux travailler avec les autorités (universitaires et légales) plutôt que de se cacher.
Je sais que vous pensez la même chose, et qu’au fil des années vous perdez jusqu’aux fondements de vos traditions pour vous plier au nouvelles règles.
Les syndicats ayant porté l’affaire devant madame la Procureure, font de l’amalgame relayé par la presse.
Ils évoquent des bizutages fantasmés d’époques révolues, ils prétendent en creux qu’il y a une ségrégation entre ceux qui ont passé le bizutage et les autres, ce qui est entièrement faux. Votre tradition n’est en rien identique à ces allégations.
D’un autre côté, l’aspect misogyne est toujours d’actualité, par des blagues, ou par des allusions explicites ici où là. Lorsqu’un commandement évoque de « faire un Jacquie et Michel » – référence pornographique notoire, ces observateurs extérieurs ignorent que vous demandez surtout de la créativité. Que l’on se retrouverait au pire dans une scène de American Pie.
Certes, ce n’est ni intelligent, ni de bon goût, mais c’est l’humour carabin, décomplexé pour pouvoir en rire le jour où vous serez confrontés à des situations choquantes dans la réalité.
L’aspect initiatique revendiquant une totale liberté sexuelle (qu’il s’agisse de pluri-partenaires, d’homosexualité ou de totale abstinence, chacun est libre de ses choix, et doit être ouvert sur celui des autres, mais nous savons tous qu’en réalité vous êtes tous chastes et prudes). Toutefois, cette revendication n’est pas un laissez-passer à la débauche. C’est juste une sorte de socle de fondation héritée probablement des mystères d’Éleusis ou de Bacchus.
Dans la réalité, personne n’est obligé de faire quoi que ce soit. Si cela devait arriver, ce serait au mieux du harcèlement sexuel, au pire un viol ! De plus, l’usage si décrié des chansons paillardes a souvent une valeur prophylactique afin de ne pas franchir les limites.
Dans la pratique, l’usage de l’alcool désinhibe, et une personne peut regretter d’avoir fait quelque chose sans contrainte mais sous influence (qu’il s’agisse de l’acte lui-même ou de la mise en danger par oubli de précautions élémentaires telles que le préservatif). Ne parlons pas des autres substances, illicites, et qui tombent sous le coup de la loi. La loi anti bizutage évoque aussi l’entrainement à la consommation excessive d’alcool.
Et revoici notre ami Bacchus qui re pointe son nez. N’oublions pas que depuis 2017, nous parlons d’un niveau pénal ! Ainsi, infliger un cul-sec est une incitation. Il est d’autres usages évoqués par la presse : la souillure. « Comment est-ce encore possible dans un monde aseptisé que de futurs médecins se trainent dans ce qu’ils nomment de la merde ? » Là encore, il y a des explications que toute personne pourra comprendre simplement en lisant l’ouvrage « De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou » de Mary Douglas.
Dans les religions primordiales, cela se passait déjà sans que personne n’y trouve qu’il s’agisse d’actes humiliants ou dégradants. Les fautifs ayant franchi le tabou, ou les étrangers, tout autant tabous, devaient se purifier de cette manière. Il s’agit dans nos universités ni plus, ni moins que le même principe, par cooptation des nouveaux arrivants en les recouvrant de matières viles mais non polluées et qui attireront la pollution amenée par ces bizuts et les rendront aptes à se mêler aux autres. C’est donc un acte de nettoyage et de valorisation qui est perpétré.
Mais comment comprendre encore cela à notre époque ?
Voici en quelques mots mon ressenti sur ces événements.
Bon courage.
Commandant RoSWeLL
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